Co-évolution du langage et de la théorie de l'esprit
Je viens de découvrir ce colloque "en ligne" qui approfondit exactement les questions qui me sont venues à l'esprit suite à la lecture de Dunbar. Je n'ai encore lu que l'article de Anne Reboul (en français s.v.p.). Elle fait, en s'en défendant bien, un rapprochement entre l'ontogénie et la phylogénie pour analyser le développement possible du langage, et c'est là une approche qui m'était venue à l'esprit, mais je n'avais jusqu'à présent trouvé aucun article qui l'utilise. Entre autres, Anne Reboul cite des travaux qui montrent que le développement du langage précède le développement d'une "théorie de l'esprit" (ToM: theory of mind) complète, dans le développement de l'enfant, et utilise ce fait pour faire l'hypothèse que la ToM n'est peut-être pas nécessaire pour le développement du langage chez l'humain.
Ce matin, à la radio, une entrevue avec Jean-Marie Hombert, spécialiste du langage et directeur du département de humanités et sciences sociales au CNRS en France. Il est aussi directeur du programme EUROCORE "The Origin of Man, Language and Languages". Cette entrevue est ce qui m'a mis sur la piste du colloque. Il mentionnait aussi le lien entre le néo-cortex et l'aptitude au langage, mais ce problème de l' "oeuf et de la poule" n'est pas encore résolu.
Il me semble quand même que la piste des différents "types" de langage pourrait être fructueuse. Peut-être que l'emphase sur l'aspect de communication émotionnelle, bien que rafraîchissante, occulte les autres usages du langage. Je pense, entre autres, à l'usage de "information sur les ressources", par exemple les sources de nourriture. Les humains sont omnivores, et de tout temps se sont nourris non seulement de viande (la viande est la plupart du temps une source minoritaire), mais d'un grand nombre de plantes, fruits, racines. Dans nos sociétés industrialisées, on en a perdu la trace, mais les chasseurs cueilleurs possèdent un vocabulaire très complet pour nommer ces sources de nourritures, sans compter leurs connaissances approfondies de leur "histoire naturelle", un fait qui est souligné, entre autres dans "Guns, Germs, and Steel" de Jared Diamond. La transmission d'information sur les sources de nourriture ne requiert pas un langage avec une syntaxe et une grammaire très complexe, mais requiert un vocabulaire étendu. En fait, une combinaison de communication gestuelle et verbale peut être très efficace (les framboise sont "là-bas", le geste indiquant la direction). On n'a pas besoin de la structure de phrase avec sujet, verbe, complément. Pourquoi ce type de langage ne serait pas apparu non pas indépendemment, mais en parallèle avec le développement du langage utilisé pour la communication sociale? Ou alors ce dernier pourrait être une exaptation, mais ce serait pousser l'hypothèse un peu loin.
Pour en revenir au parallèle ontogénie-philogénie, est-ce que la première étage de l'acquisition du langage n'est pas l'acquisition de vocabulaire, elle-même accompagnée du geste: le jeune enfant demande constamment : "c'est quoi?" en indiquant du doigt un objet, un animal. Aucune syntaxe n'est requise, mais se bâtit dans l'esprit un "dictionnaire" de correspondance mentale entre un objet et un mot (sa représentation sonore).
D'autre part, je poursuis ma lecture du livre de Barbara King. Je note aussi que le langage de type "appel" est déjà courant chez les primates, sous forme de vocalisation servant à maintenir la communication dans les groupes lorsqu'ils sont à la recherche de nourriture. Personne ne semble s'être posé la question si les chimpanzés ou les bonobos se donnaient un nom. Si c'était le cas, ce serait une découverte fondamentale! Du genre de celle de l'usage d'outils chez les chimpanzés par Jane Goodall...
Ce matin, à la radio, une entrevue avec Jean-Marie Hombert, spécialiste du langage et directeur du département de humanités et sciences sociales au CNRS en France. Il est aussi directeur du programme EUROCORE "The Origin of Man, Language and Languages". Cette entrevue est ce qui m'a mis sur la piste du colloque. Il mentionnait aussi le lien entre le néo-cortex et l'aptitude au langage, mais ce problème de l' "oeuf et de la poule" n'est pas encore résolu.
Il me semble quand même que la piste des différents "types" de langage pourrait être fructueuse. Peut-être que l'emphase sur l'aspect de communication émotionnelle, bien que rafraîchissante, occulte les autres usages du langage. Je pense, entre autres, à l'usage de "information sur les ressources", par exemple les sources de nourriture. Les humains sont omnivores, et de tout temps se sont nourris non seulement de viande (la viande est la plupart du temps une source minoritaire), mais d'un grand nombre de plantes, fruits, racines. Dans nos sociétés industrialisées, on en a perdu la trace, mais les chasseurs cueilleurs possèdent un vocabulaire très complet pour nommer ces sources de nourritures, sans compter leurs connaissances approfondies de leur "histoire naturelle", un fait qui est souligné, entre autres dans "Guns, Germs, and Steel" de Jared Diamond. La transmission d'information sur les sources de nourriture ne requiert pas un langage avec une syntaxe et une grammaire très complexe, mais requiert un vocabulaire étendu. En fait, une combinaison de communication gestuelle et verbale peut être très efficace (les framboise sont "là-bas", le geste indiquant la direction). On n'a pas besoin de la structure de phrase avec sujet, verbe, complément. Pourquoi ce type de langage ne serait pas apparu non pas indépendemment, mais en parallèle avec le développement du langage utilisé pour la communication sociale? Ou alors ce dernier pourrait être une exaptation, mais ce serait pousser l'hypothèse un peu loin.
Pour en revenir au parallèle ontogénie-philogénie, est-ce que la première étage de l'acquisition du langage n'est pas l'acquisition de vocabulaire, elle-même accompagnée du geste: le jeune enfant demande constamment : "c'est quoi?" en indiquant du doigt un objet, un animal. Aucune syntaxe n'est requise, mais se bâtit dans l'esprit un "dictionnaire" de correspondance mentale entre un objet et un mot (sa représentation sonore).
D'autre part, je poursuis ma lecture du livre de Barbara King. Je note aussi que le langage de type "appel" est déjà courant chez les primates, sous forme de vocalisation servant à maintenir la communication dans les groupes lorsqu'ils sont à la recherche de nourriture. Personne ne semble s'être posé la question si les chimpanzés ou les bonobos se donnaient un nom. Si c'était le cas, ce serait une découverte fondamentale! Du genre de celle de l'usage d'outils chez les chimpanzés par Jane Goodall...
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