La vie au XXIe siècle

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Emplacement : Tomifolia, Québec

Un proche cousin d'un bonobo du même nom qui, comme moi, tapait sur un clavier pour communiquer.

26 novembre, 2007

L'explication expliquée

Dans un texte précédent, il y a de cela plusieurs lustres, j’illustrais avec un dialogue un peu naïf l’activité humaine qui consiste à « expliquer » un phénomène à quelqu’un d’autre. Ce que je cherchais à démontrer alors, c’est que l’explication est un des modes d’utilisation du langage. En fait, c’est de la « transmission » d’une explication dont il s’agit. Ceux qui étudient le langage sont depuis toujours obsédés par son usage dans la transmission d’ « information ». Le problème que j’ai avec cette idée, c’est que la notion même d’information est très vague. De quelle information s’agit-il?

Revenons donc à l’explication. S’il s’agit ici d’information, c’est un type d’information très spécifique. Ce n’est pas, par exemple, une observation. On ne dit pas : "j’ai vu des antilopes à trois kilomètres d’ici", ou "j’ai trouvé des bleuets derrière le boisé". On dira, par contre, "les antilopes se rassemblent autour de tout point d’eau, tôt le matin, parce qu’elles ont soif". Le « parce que » est important, mais aussi le fait qu’il s’agit ici d’une généralisation de plusieurs observations. Littéralement, on parle de « science ». Car qu’est la science, sinon la découverte de généralisations, de lois, de principes. Bien sûr, la science débute par des observations. Puis vient la classification, qui est déjà un effort de généralisation, puisqu’on crée des classes, des genres, des espèces. Mais le vrai pouvoir de la science survient lorsqu’on relie ces classes, ou ces phénomènes observés, par un système logique.

Tout cela semble évident, et ce l’est. Ce l’est tellement qu’on oublie d’y voir une activité fondamentale, et de se poser les questions qui s’ensuivent. Voici : la science, le langage seraient des activités typiquement « humaines »? Mais la vraie question est, d’où viennent-elles, comment ont-elles évolué?

Revenons, encore, à l’explication. Et à la science. Plusieurs scientifiques se sont exprimés sur le sentiment d’euphorie ressenti lorsqu’ils font une découverte. Ce sentiment, on le ressent lorsqu’on « comprend » quelque chose. Les scientifiques ne sont pas les seuls à en faire l’expérience. C’est quelque chose que tout un chacun peut vivre dans la vie de tous les jours. Le scientifique recherche activement ce sentiment, presque comme une drogue, en tout cas une obsession. C’est quelque chose de très physique. Le mot est lancé!

Car s’il s’agit d’une sensation physique, ou à tout le moins physiologique, elle implique forcément un mécanisme physique lui aussi. On n’est plus dans le domaine de la connaissance abstraite, plutôt dans celui de la cognition, et de la neurologie. Il y a sûrement des hormones quelque part!

Alors postulons donc que le sentiment d’euphorie qui vient de la compréhension d’un phénomène ait une origine évolutive. Posons la question importante : quel est l’avantage évolutif qui aurait contribué à son apparition. Ça fait un bout de temps que je m’interroge sur cette question, mais ce n’est que la nuit dernière que la réponse m’est soudainement apparue (d’où une sensation d’euphorie…). Pour le cerveau, le fait de généraliser des phénomènes, et d’établir des relations de cause à effet, permet une économie substantielle de ressources cognitives! En effet, le cerveau peut accumuler un tas de faits disparates, issus de l’expérience de tous les jours. Mais tout cela prend bien de l’espace mémoire. Si on veut se fier à nos expériences passées pour guider nos actions futures, on peut soit se fier à un tas de ces faits disparates, sans lien apparents, et agir de façon purement empirique. Ou alors généraliser, et libérer l’espace mémoire en ramenant une série d’expériences à une « loi » générale. De toute évidence, la généralisation procure un avantage indéniable.

Du coup, on réalise qu’il ne s’agit pas là d’une activité exclusive à l’humain. Les cerveaux de toutes les créatures « supérieures » est une machine à généraliser, plus ou moins efficace. Le cerveau humain, plus gros, a une capacité encore plus grande.

Et c’est là que le langage intervient. Le langage, on l’a vu, permet de transmettre l’explication. Cela décuple le pouvoir cognitif. Car au lieu d’avoir à accumuler soi-même un nombre d’expériences permettant la généralisation à une loi, on peut bénéficier de l’expérience des autres, et obtenir « gratuitement » la loi générale.

Mais attention : peut-être pas si gratuitement! La connaissance est une denrée qui possède une valeur certaine. On ne la donnera pas au premier venu sans obtenir quelque chose en échange.