La vie au XXIe siècle

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Emplacement : Tomifolia, Québec

Un proche cousin d'un bonobo du même nom qui, comme moi, tapait sur un clavier pour communiquer.

08 décembre, 2005

Tu tires ou tu pointes?

Je lisais un article de Michael Tomasello et Klaus Zuberbühler intitulé "Primate Vocal and Gestural Communication" (quelque chose déniché sur Internet mais je ne pourrais pas dire où!), et j'ai été surpris de l'affirmation suivante:

"Virtually no ape gestures are referential in the sense that they indicate an external entity (e.g., there is no pointing in the human fashion); they mostly concern the dyadic interactions among group mates."

Tomasello est tout de même un expert dans le domaine, mais il me semblait quand même avoir lu ailleurs que des gestes de pointage, ou à tout le moins l'équivalent, avaient été observés chez les primates. Le pointage, en ce qu'il signifie une interaction qu'on dirait "triadique" plutôt que "diadique", fait qu'un individu informe un second individu de la présence d'un troisième objet ou individu. Il implique la présence d'une "théorie de l'esprit", puisqu'on doit comprendre que l'autre individu ne possède pas l'information qu'on veut lui transmettre, mais qu'il la possédera une fois qu'on lui aura communiquée.

J'ai donc fait un petit Google, et j'ai trouvé rapidement un très bon article de Frans de Waal qui cite plusieurs observations de pointage (ou d'équivalent gestuel, car comme il dit tous les animaux n'ont pas de bras ou de doigts, par exemple les dauphins...). De Waal en profite pour lancer des pointes:

"...defenders of human uniqueness have surrounded pointing with heavy theoretical artillery, designed to keep other creatures at bay"

et:

"...caretakers (at the zoo) generally have a higher opinion of apes' mental abilities than most of the philosophers and psychologists who have written on the subject -- few of whom have ever studied apes themselves"

Dans un autre article de Jacques Vauclair, un autre spécialiste, j'ai trouvé ceci à propos de la nature "déclarative" du langage chez l'humain:

"Declaratives ...can be words or gestures, and they function not primarily to obtain a result in the physical world, but to direct another individual's attention (its mental state) to an object or event, as an end in itself. Thus, a human toddler might say "Plane!" apparently to mean "It's a plane!" or "Look, a plane," and so on. In such cases, the child communicates simply to share interest in something that he or she sees, that this object is a plane, and that the child has identified it and finally that he or she wants the partner to look at it.”

Je dois avouer que je suis médusé par l'affirmation que d'attirer l'attention est "une fin en soi", qui me semble très simpliste. Dans l'exemple donné, on peut se questionner sur pourquoi un enfant pointera vers un avion en particulier, et non pas vers n'importe quel autre objet qu'il voit à ce moment là. La vue de l'avion, il me semble, déclenche une émotion chez l'enfant, soit une excitation ou une curiosité. Car la présence de l'avion ne constitue pas en soi une information qui soit d'une quelconque utilité. Je me demande donc si le but de la communication n'est pas de partager une émotion plutôt qu'une information. Et je dis bien partager, et non pas communiquer. Si, comme je l'ai fait dans mon dialogue d'hier, on imagine la suite du dialogue, on peut imaginer le parent qui répond en s'exclamant: "Oui! Il est gros!", ce qui précise l'émotion, et communique que celle-ci est partagée. On est vraiment dans la "danse dynamique" de Barbara King! La signification du dialogue émerge dans l'interaction des deux participants plutôt que simplement dans le message qu'un participant veut envoyer à l'autre.