La vie au XXIe siècle

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Emplacement : Tomifolia, Québec

Un proche cousin d'un bonobo du même nom qui, comme moi, tapait sur un clavier pour communiquer.

07 décembre, 2005

L'explication

Dialogue entre Gaston et Robert

Gaston : Aye!...J'ai mal aux pieds. Qu'est-ce qu'on fait ici!...

Robert : Assis-toi là, je vais t'expliquer. Bon, tu es bien assis? Écoute bien!

G: Ouais, ouais, j'écoute...

R: Bon, tu peux pas savoir ce que j'ai trouvé. Génial!...Tu sais, l'antilope qu'on a vue l'autre jour au point d'eau?

G: Ouais, dommage qu'on l'ait ratée, c'aurait été un bon morceau. Je suis trop pourri pour la chasse, j'arrive toujours au mauvais moment!

R: Justement! J'ai tout compris! C'était pas du tout un hasard si elle était là!

G: Hein?

R: Je veux dire, elle doit venir là, au point d'eau, à tous les matins !

G: Hein?

R: Ben oui! Et tu sais pourquoi? Elle vient boire, parce qu'elle a soif!

G: Hein? Ça a soif ces bêtes là?

R: Écoutes! Pourquoi on va au point d'eau, nous?

G: Pour boire, ç't'affaire!

R: C'est çà. Ben l'antilope elle fait la même chose!

G: Je comprends pas. Moi j'ai soif. Toi t'as soif. On est des humains! Mais ça c'est une bête!

R: Oui mais tu sais quoi? Elles ont soif aussi. Comme nous!

G: Explique moi ça!

R: Moi, j'en ai déduit que les bêtes et nous, on est finalement assez semblables.

G: Moi, je ne trouve pas qu'on se ressemble!

R: Au contraire, mon ami! D'abord, on a quatre pattes!

G: Ho là! Moi j'ai deux pattes et deux bras.

R (se met à quatre pattes): Bêta! Regarde, si je me mets comme ça, c'est déjà plus ressemblant, non?

G: Tu as un point. Mais le nez, les oreilles ?

R: Un peu différents, mais elle a quand même un nez, deux oreilles, une bouche. On est juste un peu différents, d'après moi. Alors, si on est si semblable, elle doit avoir soif, comme nous! D'où le coup de génie: elle doit venir au point d'eau à chaque jour pour boire!

G: Ouais, peut-être que t'as raison. C'est vrai qu'on se ressemble jusqu'à un certain point.

R: En plein ça. Et sais-tu quoi? Si on vient ici tôt le matin sans le dire à personne, qu'on se cache dans les herbes, et qu'on attend, on n'aura qu'à la cueillir comme on cueille une fraise!

G: Pas bête ça! C'est pour ça que tu m'as amené ici ce matin? Pourquoi c'est toujours toi qui a ces idées là!

R: Parce que je suis le plus INTELLIGENT! Maintenant, tais-toi et guettes!

(Vous ne comprenez pas? Il va falloir que je vous EXPLIQUE! )

Gaston : Aye!...J'ai mal aux pieds. Qu'est-ce qu'on fait ici!... (vocalise un sentiment)

Robert : Assis-toi là, je vais t'expliquer. Bon, tu es bien assis? Écoute bien! (donne un ordre, initie le processus d'explication)

G: Ouais, ouais, j'écoute... (se soumet, indique qu'il est à l'écoute)

R: Bon, tu peux pas savoir ce que j'ai trouvé. Génial!...Tu sais, l'antilope qu'on a vue l'autre jour au point d'eau? (exprime son excitation, partage une information)

G: Ouais, dommage qu'on l'ait ratée, c'aurait été un bon morceau. Je suis trop pourri pour la chasse, j'arrive toujours au mauvais moment! (exprime ses sentiments)

R: Justement! J'ai tout compris! C'était pas du tout un hasard si elle était là! (Communique une conclusion raisonnée)

G: Hein? (exrpime son incompréhension)

R: Je veux dire, elle doit venir là, au point d'eau, à tous les matins ! (réexprime sa conclusion raisonnée)

G: Hein? (réexprime son incompréhension)

R: Ben oui! Et tu sais pourquoi? Elle vient boire, parce qu'elle a soif! (re-re-exprime sa conclusion raisonnée)

G: Hein? Ça a soif ces bêtes là? (exprime comment la conclusion de Robert va à l'encontre de ses propres connaissances)

R: Écoutes! Pourquoi on va au point d'eau, nous? (entreprend une communication dynamique de son raisonnement)

G: Pour boire, ç't'affaire! (exprime sa connaissance en réponse à la question)

R: C'est çà. Ben l'antilope elle fait la même chose! (deuxième étape du raisonnement)

G: Je comprends pas. Moi j'ai soif. Toi t'as soif. On est des humains! Mais ça c'est une bête! (exprime encore comment la deuxième étape du raisonnement va à l'encontre de ses connaissances)

R: Oui mais tu sais quoi? Elles ont soif aussi. Comme nous! (re-exprime sa deuxième étape)

G: Explique moi ça! (embarque dans le processus dynamique d'explication)

R: Moi, j'en ai déduit que les bêtes et nous, on est finalement assez semblables. (troisième étape du raisonnement)

G: Moi, je ne trouve pas qu'on se ressemble! (exprime encore comment l'affirmation de Robert va à l'encontre de ses connaissances)

R: Au contraire, mon ami! D'abord, on a quatre pattes! (sous-raisonnement)

G: Ho là! Moi j'ai deux pattes et deux bras. (re-contradiction)

R (se met à quatre pattes): Bêta! Regarde, si je me mets comme ça, c'est déjà plus ressemblant, non? (démonstration gestuelle)

G: Tu as un point. Mais le nez, les oreilles ? (signale une acceptation, mais re-contredit)

R: Un peu différents, mais elle a quand même un nez, deux oreilles, une bouche. On est juste un peu différents, d'après moi. Alors, si on est si semblable, elle doit avoir soif, comme nous! D'où le coup de génie: elle doit venir au point d'eau à chaque jour pour boire! (exprime tout le reste du raisonnement)

G: Ouais, peut-être que t'as raison. C'est vrai qu'on se ressemble jusqu'à un certain point. (concède qu'il a compris et que le raisonnement est acceptable)

R: En plein ça. Et sais-tu quoi? Si on vient ici tôt le matin sans le dire à personne, qu'on se cache dans les herbes, et qu'on attend, on n'aura qu'à la cueillir comme on cueille une fraise! (conclusion pratique, complot pour améliorer leur condition)

G: Pas bête ça! C'est pour ça que tu m'as amené ici ce matin? Pourquoi c'est toujours toi qui a ces idées là! (accepte d'être parti du complot, et se soumet à Robert)

R: Parce que je suis le plus INTELLIGENT! Maintenant, tais-toi et guettes! (affirme sa position supérieure, met fin au dialogue)

La plus grande partie du dialogue est un échange dynamique de transmission de "solution d'un problème". Quelques phrases sont des expressions d'émotions. La fin du dialogue est une interaction sociale. Il me semble que la résolution de problème est une activité cognitive intrinsèquement solitaire, mais le langage permet de communiquer le résultat. Cette utilisation du langage est a-émotive. Mais pourquoi transmettre les connaissances? Si la connaissance nous donne un avantage, on ne la transmettra qu'à quelqu'un du groupe, ou encore mieux à un parent (enfant?). Les chimpanzés apprennent déjà à leurs petits comment ouvrir des noix avec une pierre et une enclume. De nos jours, la connaissance est également protégée et sa transmission hors du groupe est restreinte (on n'a qu'à penser qu'aux secrets de fabrication, aux brevets etc.).

Mon idée avec ce dialogue était d'illustrer comment un mode de dialogue peut avoir une fonction précise, et que la fonction définit la forme. J'ai choisi le mode "transmission de la solution à un problème" car il fait très peu appel à l'interaction socio-émotionnelle. C'est plutôt un jeu dynamique d'échange de connaissance utile à la survie. Ce type d'échange de connaissance est, selon moi, à la base de toute notre culture technique. J'aime l'idée d'analyser chaque répartie pour comprendre sa fonction. J'ai réalisé en l'écrivant qu'on ne peut avoir un dialogue "pur". D'autres modes de dialogue apparaissent, comme l'expression spontanée d'émotions, ou l'interaction sociale re-définissant la hiérarchie des intervenants.