La vie au XXIe siècle

La nature humaine, l'évolution, l'univers...

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Emplacement : Tomifolia, Québec

Un proche cousin d'un bonobo du même nom qui, comme moi, tapait sur un clavier pour communiquer.

23 décembre, 2009

Kangxi



Mon quasi-homonyme, l'empereur Kangxi, bénéficiaire du Mandat du Ciel entre 1661 et 1722. Il accéda donc au trône l'année même où Louis XIV prenait lui-même les rênes du pouvoir en France (il était roi depuis 1643, mais n'avait alors que cinq ans). Louis mourut en 1715. Les deux règnes sont donc presque parfaitement simultanés. Kangxi était, comme Louis, un grand amateur et promoteur des arts et des sciences (remarquez le pluriel). Inspiré par la fondation par Louis de l'Académie des Sciences (toujours le pluriel), il fonda lui-même les ateliers impériaux, y réunissant les meilleurs artisans de l'empire et d'ailleurs, dont plusieurs européens.

22 décembre, 2009

L'oracle à deux faces

Peter Dear parle, lui aussi, de "la science".

Tiens, il voit la même circularité: "Science is practiced, as a matter of circular definition, by scientists". Ça ne semble pas lui faire problème.

Mais surtout, il souligne qu'on perçoit "la science" selon deux aspects, soit la "philosophie naturelle" et "l'instrumentalité", cette dernière constituant les "applications" des connaissances et théories scientifiques.

"The popular image of a scientist is of someone in a white coat who invents something"

Mais il reconnaît que: "a number of recent scholars argue that an easy and direct association between scientific truth claims and technical achievements is much less obvious than is usually supposed".

Il va même plus loin : "it is sometimes unclear that the world even contains the natural objects referred to by the theory supposedly being applied".

Néanmoins, l'instrumentalité, c'est-à-dire le succès des applications des théories scientifiques, est utilisée par les scientifiques pour justifier la "vérité" de leur philosophie naturelle. Bouclant la boucle, la vérité des théories est utilisée comme argument pour expliquer le succès des applications.

"Just as this instrumentality is routinely assumed to provide support for natural-philosophical assertions, so arguments of a natural philosophical kind are often used to explain the instrumental success of particular techniques".

Mais cette association est, selon lui, irréaliste:

"To imagine that the efficacy attributable to modern science flows directly from the truth of its representations of the world, that is, from its natural-philosophical content, is unrealistic".

Néanmoins, dans la perception "populaire", cet argument justificatif de l'institution scientifique a, selon Dear, un impact culturel énorme: "The authority of science in the modern world rests to a considerable extent upon the idea that science is powerful; that science can do things. (...) the instrumentality of science, that is, often stands for the whole of science. At the same time, when science is apealed to as the authority for an account of how something really is in nature - that is, when science is seen in the guise of natural philosophy - its accepted instrumental efficacy seems to justify that image of truthfulness".

Il conclut donc:

"The overall totalizing effect of the amalgam is hugely powerful. Why are science's instrumental techniques effective The usual answer is: by virtue of science,s (true) natural philosophy. How is science's natural philosophy shown to be true, or at least likely? the answer : by virtue of science's (effective) instrumental capabilities. Such is the belief, amounting to an ideology, by which science is understood in modern culture. It is circular, but invisibly so."

Voilà donc la véritable circularité.

On n'a plus le Janus de Latour, dont les deux faces parlent dans des directions différentes. Les deux visages de l'oracle se font carrément face. Le reste du monde ne peut que les regarder se parler, impuissant.

Mais qu'est-ce qui manque dans la description de Peter Dear? Quelle est la différence entre sa réflexion et la mienne?

Dear insiste pour maintenir l'objectification de "la science", et ne relève pas du tout son aspect institutionnel, qui est pourtant la clé du mystère. Il ne réalise pas (ou n'ose pas avouer) que lorsqu'il parle de "la science", il parle en fait d'une classe sociale exclusive, celle des scientifiques. Il y fait allusion au tout début, y voyant une circularité, qui est en réalité une tautologie. Sauf que "la science" n'est qu'une abstraction, qu'une fantaisie. La réalité se trouve du côté des scientifiques.

Or la particularité de ce qu'on aime appeller la "science moderne" est justement l'élévation des scientifiques en tant que classe ou groupe social, ce qui est quand même bien connu depuis Merton. L'institution scientifique a ses propres règles, ses propres normes. Mais aussi des critères d'entrée et d'appartenance. Et surtout, elle a réussi à s'accaparer le contrôle et le monopole de l'aspect "philosophie naturelle" des connaissances. Et elle a réussi justement à prendre le contrôle en mettant en valeur l' "instrumentalité" de ce sa philosophie naturelle, instrumentalité qui, de l'aveu de Peter Dear, a très peu à voir avec la vérité de la philosohphie naturelle.

Il y a donc là une certaine imposture, sinon une imposture certaine. La véritable question est donc pourquoi acceptons-nous cette imposture? Comment est-elle entretenue? Comment a-t-elle commencé?

Mais si on continue de croire dans l'existence de "la science", et qu'on refuse de tenir compte de son aspect institutionnel, on peut bien, comme il tente de le faire, raconter l' "histoire" de la science, mais cette histoire devient incompréhensible.

Peter Dear voit une porte de sortie:

"Acknowledging that science is not one thing, a natural kind, while at the same time recognizing that the symbol "science" is culturally very real indeed, may liberate our discipline from the twin dangers of hyperhistoricization and essentialist universalism".

Ainsi, sans parler des scientifiques, il suggère quand même de parler "des sciences" plutôt que de "la science":

"Perhaps something might be gained from using the plural term "sciences", in the manner common in other languages, for collections of individual knowledge enterprises (whether qualitative or mathematical), and using the blanket term "science" only to designate the kind of ideological construct that this essay has been concerned to sketch out. Not only would this clarification restore intellectual integrity to studies of local cultural production by the simple expedient of labeling them parts of the "history of the sciences"; it would also integrate sciences from many parts of the world into that same history without of necesity implicating them in the ideology of modern science. That ideology involves not the mere summing of "instrumental" and "natural-philosophical" aspects of the sciences but requires that the two be intimately related in historically contingent, and logically tense, ways, Therein lies the particularly "Western" contribution". "

Mais en réalité, cette "contribution" occidentale est un mode de fonctionnement. Qui plus est, c'est probablement un mode de fonctionnement qui a fait son temps.


Références:

Peter Dear, "The intelligibility of nature : how science makes sense of the world", The University of Chicago Press (2008)
Peter Dear, "What is the history of science the history of", Isis, 96, pp.390-406

16 décembre, 2009

Les forces de l'ombre

Dans les premières décennies du XXe siècle, l'eugénisme est vu comme l'application triomphale de la science à des fins sociales. Certaines voix, très minoritaires, s'y opposent, tel le journaliste anglais G. K. Chesterton, qui a publié "Eugenics and other evils". Voici ce qu'en dit Wr. R. Inge en 1924:

" ... Professor Vallon mentions, without sympathy, the hysterical denunciations of Eugenics by Messrs. Belloc and Chesterton. We may wonder why these popular writers and journalists should wish to fill England with degererates. But they have a reason for their incoherent rage. They realize that Science, instead of confining itself to making bad smells in laboratories, is calmly preparing to lead a social and moral revolution, a revolution in which neither medieval casuistry nor Marxian class-war will count for anything at all. The great struggle of the future will be between Science and its enemies. I can see no reason why the Christian religion should be on the side of the powers of darkness."

Oui, la science, alors comme aujourd'hui, devait confronter les forces de l'ombre.

14 décembre, 2009

Qui sont les scientifiques?

Réponse évidente: les scientifiques sont ceux qui font de la science! Mais réponse circulaire aussi, puisque la science est ce que font les scientifiques... et ce dont ils parlent.

À vrai dire, étant donné la quasi anonymité dans laquelle on les maintient, il peut être difficile de déterminer qui peut être honoré de ce titre. Mais ils sont certainement plusieurs, car on dit la plupart du temps "les scientifiques". Parlent-ils tous en groupe, et d'une même voix? On pourrait croire que oui...

Bon, ne tournons plus autour du pot. On m'a déjà appelé "un scientifique". Et même un "chercheur scientifique", en tout cas c'était le nom de ma catégorie d'emploi pendant quelques années, telle qu'inscrite dans la convention collective. Je peux donc jusqu'à un certain point parler en connaissance de cause.

Lorsque j'ai débuté à cet emploi, une des premières choses que mon nouveau patron m'a dites était: "Il faut que tu publies, publies, publies... ". Comme il m'a rarement donné d'autres directives, on peut présumer que c'était là ma tâche principale. J'aurais pu m'atteler et publier un roman, mais je ne crois pas que ça aurait satisfait mon patron. Non, il voulait que je publie ce qu'on appelle des "articles scientifiques", c'est-à-dire des articles qui sont publiés dans des "revues scientifiques". Ça fait bien du "scientifique", mais ça ne nous aide pas à comprendre en quoi doivent consister les dits articles!

Par contre, on peut comprendre qu'un scientifique, c'est quelqu'un qui publie dans des revues scientifiques. En effet, n'entend-on pas souvent dire de quelque chose que ce n'est pas scientifique, puisque ça n'a pas été publié dans une revue scientifique?

Donc, en résumé, un scientifique est quelqu'un qui publie des articles dans des journaux scientifiques. Ce qui est dit dans ces articles (et indirectement par le scientifique) est donc... scientifique. C'est donc... de la science!

Les "oracles" des scientifiques sont donc publiés dans ces fameuses revues.

Mais qui décide de ce qui est publié dans ces revues? Je peux le dire, puisque j'ai déjà publié. Ce sont d'autres scientifiques qui décident. Je le sais parce qu'on m'a demandé à maintes reprises de décider si un de ces articles devait (ou non) être publié, et que j'étais un scientifique puisque j'y publiais moi-même des articles.

Donc: les scientifiques sont ceux qui publient des articles dans des revues scientifiques, lesquels articles sont acceptés (ou non) pour publication par d'autres scientifiques.

Tout ça pourrait avoir l'air d'un club fermé. En effet, si je n'étais pas (ou n'avais pas été) un scientifique, autrement dit si je n'avais jamais publié d'article dans une revue scientifique, comment pourrais-je réussir à y publier quelque chose? Les scientifiques qui jugent les articles pourraient me bloquer à tout jamais les portes du cénacle.

Cela voudrait dire que ce que je fais n'est pas de la science.

Pour revenir à mon cas, j'ai publié mon premier article alors que je faisais une maîtrise en physique. Publié, mais non sans mal, car le premier journal auquel il avait été soumis l'a promptement refusé. Pas de la science! Ce n'était heureusement pas l'avis des réviseurs du deuxième journal. Ainsi, ce qui n'était pas de la science est devenu de la science.

Au fil des années, j'ai publié plusieurs articles, mais certains n'ont jamais passé au travers des filets des réviseurs. Pas de la science!

Tout ce que je faisais durant toutes ces années, soit du travail de laboratoire, des calculs théoriques, des simulations informatiques, tout cela n'était pas "de la science". Seul comptait ce qui était publié dans les revues scientifiques.

C'est aussi arrivé que j'invente quelque chose, un procédé de fabrication pour certaines composantes à fibre optique. C'est arrivé alors que je travaillais pour ma propre compagnie. Ne voulant pas que mes concurrents connaissent mon procédé, je l'ai gardé secret et il n'a jamais été publié dans une revue. Ce n'est donc pas de la science. Bien sûr le procédé fonctionnait, et des milliers de dispositifs ont été fabriqués grâce à lui. Mais ce n'était pas de la science. Je ne suis pas sûr, alors, de ce que c'était.

Mais j'ai aussi eu connaissances de choses qui ont été publiés dans ces revues et qui, lorsqu'on tentait de les reproduire, ne fonctionnaient pas.  Ce qui était écrit était faux. Mais, comme c'était publié, c'était de la science.

C'est ainsi. La prochaine fois qu'on vous dira "science = vérité", n'en croyez rien. Science = ce qui est publié dans des revues scientifiques. C'est tout.

Par contre, la connaissance, elle, se trouve partout. Vraie, fausse, utile, inutile, il suffit de la chercher. Essayez, pour voir. Et lorsque vous la trouverez, faites-en bien ce que vous voulez.

13 décembre, 2009

Qu'est-ce que la science?

Cette "éternelle" question, j'aimerais la poser autrement. Car en posant la question : qu'est-ce que "la science?", on présume déjà de l'existence de "la science". Posons-nous donc la question: quelle est la définition couramment acceptée de "la science", dans l'esprit de la plupart des gens? Car cette expression "la science" est utilisée à tous les jours dans toutes sortes de circonstances, et je ne suis pas sûr qu'il y ait une définition précise et explicite de ce qu'on entend par là. Il y a cependant, de toute évidence, une définition implicite, sur laquelle locuteur et auditeur semblent s'entendre.

Examinons d'abord dans quel contexte l'expression "la science" est utilisée. Il semble que cette chose qu'on appelle "la science" soit traitée comme un être vivant. En effet, on dit "la science dit ceci ou cela", "la science nous montre ceci ou cela", "la science nous apprend ceci ou cela", "la science a fait des progrès", "la science est certaine de ceci ou cela". On dirait qu'il existe, quelque part, une personne qui parle, et qui nous dit des choses. De plus, il faut qu'on l'écoute, car ce que cette personne dit est, apparemment, vrai. On dit "la vérité scientifique".

À vrai dire, cette personne qu'on appelle la science parle beaucoup, mais on la voit peu, ou pas du tout. Moi, je ne l'ai jamais rencontrée. Mais on persiste à me relayer ses paroles. Je peux donc tenter de suivre la trace de ce relai, et peut-être arriver à la source.

La plupart des gens entendent parler de ce qu'a dit "la science" de la même façon qu'on entend parler de ce que disent, par exemple, les politiciens, c'est-à-dire via des journalistes,  ou à tout le moins des gens qui écrivent dans les journaux ou qui parlent à la radio et à la télévision. Dans le cas des politiciens, par contre, on peut la plupart du temps, avec nos médias d'information modernes, remonter à la source, et écouter ledit politicien ou ladite politicienne parler "pour de vrai". Ainsi, on peut être assez certain que Stephen Harper ou Jean Charest ou Barrack Obama a dit ceci ou cela. Curieusement, on ne dit jamais dans leur cas, "la politique" a dit ceci ou cela. "La politique" est étrangement silencieuse, et les politiciens de grands bavards. Tout le contraire de "la science". Cette dernière est très bavarde, même si on ne l'entend jamais parler directement. Mais il semble que ceux qui parlent en son nom n'aient pas besoin d'être identifiés, au contraire des politiciens. Ils sont le plus souvent anonymes. Je ne parle pas des journalistes "scientifiques". Eux, on les connaît bien. Mais derrière eux, à la source de toutes ces "vérités" que nous dit la science, il y a une cohorte de gens anonymes qu'on appelle "les scientifiques". Personne, semble-t-il, n'est vraiment intéressé à savoir qui ils sont. Après tout, ils ne parlent jamais en leur nom, mais au nom de "la science"!

Si on voulait faire une analogie, pour tenter de comprendre cette curieuse situation, la meilleure qui me vient à l'esprit est l'oracle de Delphes (ou n'importe quel autre oracle...). L'oracle lui-même ne parlait pas. Mais les prêtres et/ou prêtresses parlaient en son  nom. Et l'oracle, prétendait-on, disait la vérité. Ça se ressemble en diable!

On peut donc conclure, temporairement, que dans l'esprit de la plupart des gens qui utilisent l'expression familière "la science", cette dernière est une sorte d'oracle, un être surnaturel qui possède toutes les vérités, et qui nous les transmet, petit morceau par petit morceau, par la bouche des prêtres, pardon, des scientifiques.

Bien sûr, la plupart des gens aujourd'hui considèrent que l'oracle de Delphes était une fiction. Il n'y avait pas d'oracle. Il n'y avait que des prêtres et/ou prêtresses qui parlaient, non pas au nom de l'oracle, mais en leur nom propre, lequel nom est resté néanmoins anonyme.

Voilà donc ma première conclusion. La première partie de la réponse à la question "qu'est-ce que la science" est: "la science" est une fiction. N'écoutez pas les journalistes qui vous disent que "la science" a dit quelque chose. "La science" ne parle pas. Quand on vous dit cela, on parle plutôt des "scientifiques". Ce sont eux qui parlent.

Reste alors la question : "qui sont les scientifiques ?" La suite dans un prochain épisode...

09 décembre, 2009

Première neige à Tomifolia


Dérives de scientifiques

L'histoire de la théorie des plaques tectoniques est fascinante à plus d'un point de vue. Plusieurs ouvrages ont été écrits sur le sujet, et je crois en avoir lu la majorité.

Naomi Oreskes a écrit peut-être le meilleur compte-rendu de la première "phase" de cette histoire, c'est-à-dire la période où Alfred Wegener a proposé son hypothèse de la dérive des continents, jusqu'à sa mort en 1933, prélude à une longue éclipse jusqu'aux années 60, où la théorie est réapparue dans sa deuxième incarnation (tectonique des plaques).

Oreskes, qui est maintenant plus connue pour sa défense hystérique du "consensus" sur les changements climatiques, aurait pu tirer des leçons de ses propres recherches. Mais c'est là son problème. Toujours est-il qu'elle a elle-même démontré comment l'élite de la communauté géologique a délibéremment fait obstruction à la théorie de Wegener, à tel point qu'il est devenu impossible de publier sur le sujet après les années 30. La géologie a donc stagné pendant près de trente ans.

Mais revenons à Wegener, et à la réception qu'a subie sa théorie dans les années 20. Aucun historien n'a à ma connaissance souligné l'aspect dont je vais parler ici. Ce n'est qu'une théorie, mais je crois qu'il vaudrait la peine de la creuser.

Oreskes a clairement montré que l'opposition la plus féroce à Wegener est venue des géologues américains. Les Britanniques étaient curieux, et quelques-uns, dont Arthur Holmes, clairement sympathiques. Ce dernier proposa d'ailleurs coment un mécanisme de convection pouvait expliquer la dérive. Ailleurs en Europe aussi, la théorie n'a nulle part été aussi vilipendée qu'elle le fut aux États-Unis. Oreskes attribue ce fait à la "culture" méthodologique particulière des géologues américains, et à la façon dont ils approchaient la "preuve" scientifique. Je dois avouer que sa démonstration est très faible. Différents chercheurs abordent les problèmes de différentes façons, et il est difficile de voir comment tous auraient jugé que l'hypothèse de Wegener était irrecevable simplement sur un point méthodologique.

Mais il y a peut-être une autre explication. Pour cela, il faut se remettre dans le contexte des années 20 aux États-Unis. Or cette décennie a été clairement marquée par un autre débat scientifique, cette-fois sur le créationnisme. C'est dans les années 20  (précisément en 1925) qu'eut lieu le fameux procès de Scopes, suite à l'interdiction d'enseigner la théorie de Darwin au Tennessee.  Ce procès fut hautement médiatisé, et est devenu l'emblème du combat entre le "progressisme" de la science contre l' "obscurantisme" des fondamentalistes religieux. Un très bon site sur ce procès se trouve ici.

Or la géologie n'était pas si éloignée que l'on pense du Darwinisme. Darwin lui-même était géologue à ses heures, et l'acceptation de sa théorie dépendait en grande partie de l'estimation de l'âge de la Terre. Selon la Bible (ou en tout cas selon l'interprétation que certains en font), la Terre n'aurait que quelques milliers d'années. Mais dans les quarante années qui ont suivi la parution de "L'origine des espèces", le débat sur l'âge de la Terre a été très acrimonieux. William Thomson (Lord Kelvin) se basait sur sa propre théorie de la chaleur pour estimer un âge entre 20 et 40 millions d'années, ce qui était beaucoup trop court pour expliquer l'évolution des espèces selon la théorie de Darwin. Les géologues, sur la base de leur estimation du taux de dépôt des sédiments, croyaient que la Terre était beaucoup plus âgée, mais étaient tournés en ridicule par les physiciens (et particulièrement Thomson).

C'est Arthur Holmes (encore lui!) qui, utilisant la radioactivité pour la datation des pierres, démontra que la Terre pouvait effectivement avoir plusieurs milliards d'années. Holmes lui-même subit l'ignorance et l'opprobre de ses collègues avant que l'on accepte finalement ses résultats.

Cette victoire des géologues et des darwinistes semblait confirmer non seulement la théorie de la sélection naturelle, mais aussi une vue du passé qu'on appella l' "uniformitarisme", selon laquelle l'histoire géologique est un long fleuve tranquille. Ce courant allait à l'encontre de ce qu'on appelait le "catastrophisme", qui prônait l'existence de plusieurs catastrophes géologiques majeures dans le passé de la Terre. Or ce dernier courant était lui-même lié à ceux qui croyaient à la réalité des écritures bibliques, en particulier le récit du Déluge. Ainsi se construisit l'adéquation Darwin=Uniformitarisme, Religion=catastrophisme.

Or voilà que Wegener arrive avec sa théorie de la dérive des continents, l'exemple parfait (pour certains) du catastrophisme! Et cela au même moment où la théorie de l'évolution faisait l'objet d'un débat acrimonieux aux États-Unis, et d'un procès célèbre qui polarisait non seulement les scientifiques, mais toute la société.

Il y a là, d'après moi, l'explication la plus naturelle pour l'opposition souvent très féroce de plusieurs géologues américains, et même de la fondation Carnegie, qui à l'époque finançait la majorité de la recherche aux États-Unis. Cette même fondation supportait d'autre part toutes les recherches sur l'eugénisme, qui était à l'époque la principale "application" de la théorie de Darwin!

Accepter la théorie de Wegener, c'était, pour les géologues, donner des arguments aux catastrophistes!

Évidemment, en rétrospective, cette opposition était ridicule, puisque la théorie de Wegener ne remettait nullement en doute l'âge de la Terre, bien au contraire. Mais il reste qu'à cause de cette opposition, la communauté géologique fut forcée d'accepter une explication de certains faits géologiques qui était parfaitement intenable, même avec les connaissances de l'époque, et cela pour les trente années qui suivirent.

Ainsi, de nos jours, quiconque émet un doute sur le rôle du CO2 dans le réchauffement récent de la Terre est-il suspecté d'être à la solde de l'industrie pétrolière (qui, ironiquement, supportait la théorie de Wegener à l'époque!). Et une certaine élite scientifique se croit justifiée d'exclure et de vilipender certains points de vue qui vont à l'encontre de son idéologie (et de l'idéologie "progressiste" dominante).

Plus ça change, plus c'est pareil...

L'arrogance

L'économiste Thomas Palley dit, à propos de l'échec des économistes à prédire la présente crise:

"The failure was due to the sociology of the economics profession. This failure was a long time in the making and was the product of the profession becoming increasingly arrogant, narrow, and closed minded. One was compelled to adhere to the dominant ideological construction of economics or face exclusion. "

En traduction: "Cet échec est dû à la sociologie de la profession économique. L'échec se préparait de longue date, et vient de ce que la profession est devenue de plus en plus arrogante, fermée et étroite d'esprit. On devait adhérer à l'idéologie économique dominante ou faire face à l'exclusion."

Comment? Une communauté académique arrogante et étroite d'esprit, qui condamne les dissidents à l'exclusion?

Ça n'arriverait pas en climatologie, n'est-ce pas?

08 décembre, 2009

Sauver la planète!

Lorsque j'étais chercheur "scientifique", ma compétence était évaluée principalement sur un critère: le nombre de publications dans des revues avec comité de lecture. En retour, ce nombre de publications servait de base dans l'évalutation de mes demandes de subventions et fonds de recherche de toutes sortes. C'est un drôle de système au départ, puisque si on n'a pas beaucoup publié, on n'aura pas beaucoup d'argent, et si on n'a pas beaucoup d'argent, on peut difficilement faire des recherches, et on n'a rien à publier! C'est pour cela que ça prend un certain temps avant de devenir un chercheur "établi".

Lorsqu'on demande une subvention, il faut habituellement remplir un formulaire déjà tout formaté, et bien remplir toutes les sections. Un des critères importants pour justifier le financement des recherches est leur "utilité potentielle". Certains formulaires demandent même d'estimer leur impact économique!

Or à toutes fins pratiques, la plupart des recherches sont inutiles et n'ont aucun impact économique, si ce n'est leur coût, défrayé par les deniers des contribuables! La raison est que le but n'est pas vraiment de générer un impact économique, mais bien de générer des publications dans des revues scientifiques. Mais il faut jouer le jeu, car les cyniques ne sont jamais bien vus. Par exemple, dans mon cas, je prétendais que mes recherches pourraient améliorer les réseaux de communication par fibre optique. Évidemment, le fait que mes subventions représentaient une fraction minime de ce qu'une grosse compagnie comme Nortel dépensait annuellement pour améliorer ses réseaux, et que je n'aurais jamais les moyens de faire mieux qu'eux, tout ça ne comptait pas vraiment. Seule importait la mascarade de prétendre faire oeuvre utile. Le résultat, au bout du compte, dépendait de l'humeur du comité de subventions, et si on y avait ou non des amis, collègues, ou à tout le moins des sympathisants. C'est pour cela qu'il faut éviter de se faire des ennemis.

Si j'étais un climatologue aujourd'hui, et que j'avais à justifier l'importance de mes recherches, ce serait bien plus facile. Il s'agit de rien de moins que sauver la planète, et avec elle l'humanité toute entière. Point à la ligne, est-ce que j'ai besoin d'en rajouter? Si vous ne me donnez pas d'argent pour que je vous montre que nous courons à la catastrophe, la dite catastrophe arrivera inévitablement, et vous serez bien mal pris!

Or qui ne veut pas sauver la planète? Personne. Alors, finançons cette recherche. Elle nous dira donc exactement ce qui était prévu: nous courons à la catastrophe! Plus de fonds, s'il vous plaît, je veux sauver la planète encore une fois. Eh oui! Je le confirme: nous courons à la catastrophe. Mais pour bien le confirmer, je propose de former un groupe avec tous ceux qui prédisent la même catastrophe. Nous allons ensemble compiler le résultat de toutes nos recherches, et vous le redire encore: nous courons à la catastrophe. Nous pouvons même faire cette compilation à tous les quatre ans, juste pour être sûrs que c'est toujours vrai. Plus nous serons nombreux, plus ce sera vrai, c'est bien connu.

Bien sûr, ayant prédit la catastrophe, je serais un héros, et mon statut dans la communauté scientifique en grandirait d'autant. On me nommerait "scientifique de l'année" ou de la décennie, ou même du siècle! Qui sait, on me donnerait peut-être le Nobel! J'organiserais des conférences, je serais éditeur de revue, et je pourrais décider ce qui est publié et ce qui ne l'est pas. Évidemment, j'aurais un penchant pour les recherches qui vont dans le sens des miennes, puisque cela confirmerait mon statut de héros. Si jamais une recherche montrait que la catastrophe n'est pas imminente, que m'arriverait-il? Je plongerais dans l'abîsse de l'insignifiance scientifique. Finis les honneurs, les voyages, les grosses subventions.

Quant à moi, mes petits gizmos à la fibre optique se retrouvent maintenant dans des réseaux à travers le monde, fabriqués par une poignée de compagnies pour qui ils sont le pain et le beurre. Mais pas de place pour moi dans ce milieu de la recherche, et pour cause: je n'ai rien publié depuis dix ans, ayant délaissé ce monde artificiel pour tenter de prouver que je pouvais vraiment être d'une quelconque utilité. Je remplirais avec bonheur toutes ces petites cases des demandes de subventions, et particulièrement celle sur l'impact économique. Mais on me dit qu'il y a d'autres critères, un peu flous, et on me refuse la position.

Alors voilà, je me transforme en vieux bonobo bougon, et je me venge dans mon blogue!

07 décembre, 2009

Promenade

J'étais un peu en colère, car elle était retournée se coucher après le déjeûner, comme elle le fait souvent la fin de semaine, et dormait depuis bientôt trois heures. Elle m'avait promis que nous irions marcher ensemble, mais les journées sont courtes, et il était déjà une heure et demie. J'avais fait la vaisselle, lu tout ce que j'avais à lire sur internet, j'avais mangé, et je poireautais en attendant son réveil. J'ai donc décidé d'aller marcher tout seul. Bien fait pour elle. Je m'apprêtais à sortir lorsqu'elle est descendu. Voulant lui exprimer ma frustration, je me suis dépêché de partir vant qu'elle puisse me suivre.

Ce fut néanmoins une belle promenade. Suivant la piste cyclable qui longe la rivière, je me suis rendu jusqu'au pont. Puis j'ai pris à ma gauche le chemin qui remonte vers le haut plateau d'où la vue est magnifique. La dernière fois, je m'étais arrêté là où un terrain est à vendre, qui donne, selon l'affiche, sur la rivière. Curieux, je m'étais aventuré sur le chemin de terre qui y pénétrait. Quelle n'avait pas été ma surprise de découvrir au bout un promontoire donnant juste au-dessus de la chute, cette même chute dont j'ai découvert l'existence récemment. Mais cette fois-ci, je décidai de poursuivre sur le chemin principal. Celui-ci tournait vers la droite un peu plus loin , et là se trouvait un cimetière. Mais à gauche un autre chemin de terre débouchait sur la route, vraisemblablement une piste de motoneige et de quatre-roues. Sans hésiter je m'y engageai. La piste descendait rapidement dans la forêt, et je me suis dit qu'elle ne pouvait que déboucher sur la rivière. Au bout d'un moment, j'ai soudain reconnu le paysage. J'étais sur un chemin que j'avais déjà pris, mais de son autre extrémité, un peu au nord de la maison, là où un autre pont traverse la rivière. Je ne m'étais alors pas rendu très loin. Ainsi, aujourd'hui, je bouclais la boucle, ajoutant à ma connaissance de mon petit territoire. Du pont, l'on remonte entre les carrières et les ateliers de granite, et l'on débouche sur la rue principale, à peine à un demi-kilomètre de la maison.

À mon retour, elle n'était pas là. Je suis allé m'étendre un peu. Lorsqu'elle revint, je l'entendis s'activer en bas, mais je ne descendis pas. Puis elle monta elle-même, m'offrant de descendre prendre le thé. Sur la table, elle avait installé la planche de scrabble, et pour accompagner le thé elle avait servi ces merveilleuses pâtisseries aux amandes, toutes fraîches, qu'elle venait d'aller quérir à notre boulangerie locale. Il y avait des années que nous avions joué au scrabble. C'est un jeu qui a agrémenté bien des soirées dans les premiers temps où nous habitions ensemble, quand nous montions au café Carcajou de la rue St-Jean à Québec. Je gagnais presqu'à tout coup. Et cette fois-ci encore, j'étais en bonne voie de l'emporter. À la fin cependant, il me restait un Z, que je n'avais pas réussi à placer. Il ne lui restait qu'un G, lorsqu'elle découvrit qu'elle pouvait le placer entre deux O placés en diagonale, formant ainsi le mot GO non seulement une, mais deux fois! Ces points ajoutés, et les dix points de mon Z soustrait, elle arracha la victoire in extremis, telle un équipe de football montréalaise!

Pas de rancoeur, pas de rancune. Comment ne pas l'aimer.

Deux ans

Deux ans d'interruption.

Surpris que le blogue soit malgré tout toujours là!

Relisant ces anciens messages, je suis même surpris qu'un temps si long se soit écoulé. Beaucoup de ces messages portent sur le langage, et j'avoue ne pas avoir poursuivi cet intérêt avec autant d'assiduité depuis deux ans. Ça va et ça vient.

Mais la vie de Kanzi a pris un tout autre tournant il y a six mois. Il a quitté la ville et s'est installé dans un domaine champêtre. De sa fenêtre, il contemple à tous les jours une rivière magnifique. Cela lui apporte une certaine paix intérieure. Il essaie néanmoins désespéremment de compléter la rédaction d'un ouvrage, mais cela semble une tâche au-dessus de ses moyens. Alors, il a décidé aujourd'hui qu'écrire un blogue était peut-être une option plus facile, et lui permettrait d'échapper (virtuellement) à une solitude qui est quelquefois pesante (mais pas toujours).

J'aurais voulu recommencer à zéro, car mon souvenir du blogue était qu'il était plutôt médiocre. Mais le relisant, je l'ai trouvé néanmoins passable. La paresse aidant, il m'a semblé plus facile de le continuer tel quel. J'ai néanmoins supprimé quelques messages sans intérêt.

Le blogue demeurera volontairement simple, sans les gadgets qu'on retrouve ailleurs. Le contenu variera comme avant au fil des mes explorations intellectuelles.

En espérant qu'une écriture plus régulière finisse par attirer quelques lecteurs!