La vie au XXIe siècle

La nature humaine, l'évolution, l'univers...

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Emplacement : Tomifolia, Québec

Un proche cousin d'un bonobo du même nom qui, comme moi, tapait sur un clavier pour communiquer.

12 décembre, 2005

Le Kanzi de la semaine


Le Kanzi de la semaine! Posted by Picasa

Cette photo vient du site du "Great Ape Trust of Iowa". N'hésitez pas à les aider!

11 décembre, 2005

Lectures chinoises

On en parle beaucoup, mais qu'est-ce qu'on en connaît? J'ai connu beaucoup de Chinois au cours des vingt-cinq dernières années, des étudiants, des chercheurs, des gens d'affaires. J'ai toujours été frappé par leur attitude à la fois humble et confiante devant la vie, que je trouve en général très sympathique. J'ai réalisé que j'en savais très peu sur leur pays et son histoire. J'ai donc décidé de m'y mettre sérieusement.

Jusqu'à maintenant, j'ai lu:

China's Golden Age: Everyday life in the Tang Dynasty, par Charles D. Benn : Un compte rendu détaillé de la vie quotidienne en Chine à l'époque des Tang (618-907).

Le monde chinois, de Jacques Gernet : La totale: non seulement l'histoire, mais aussi la culture, le mode de vie, la technologie, de l'Antiquité à nos jours.

Mille ans de soucis et soudain le printemps, de Brigitte Duzan : Quel livre touchant! C'est l'histoire (vraie) d'une famille typique (ou peut-être pas si typique) dans un petit village chinois durant les cinquante dernières années.

Souvenirs rêvés de Tao'an, de Dai Zhang : Écrit au XVIIe siècle par un lettré retiré qui se remémore des épisodes de sa vie, relatés dans une prose poétique sereine et mélancolique. Qui après ne voudrait pas voir le lac de l'Ouest!

Anthologie de nouvelles chinoises contemporaines, compilées par Annie Curien : Plusieurs nouvelles écrites pour la plupart dans les années 80, des années charnières où la Chine commence à s'ouvrir.

La route de la soie, de Luce Boulnois : Celui-ci ne porte pas seulement sur la Chine, mais raconte de belle façon l'histoire de cette route mythique sur deux millénaires. La mondialisation avant le temps!

J'ai également lu un recueil d'histoires populaires de l'époque des Song dont j'ai perdu le titre, et pour couronner le tout, le magnifique roman Au bord de l'eau (Shui-Hu Zhuan) que je viens de terminer (2500 pages bien tassées!). Tous les chinois ont lu le "Shui Hu", qui raconte les péripéties d'une bande de 108 brigands qui ont pour devise "Loyauté et Justice", et qui combattent la corruption de l'empire. Basé sur des récits propagés par les conteurs publics depuis le XIIIe siècle, il a paru dans ses versions définitives au XVIe siècle (je dis "les" versions car il y en a plus qu'une, même si elles sont toutes considérées comme "définitives"). Vous en apprendrez plus sur Wikipedia.

Mais on ne s'arrête pas en si bonne voie! J'ai entrepris "Jan Wong's China": un récit de l'ex-correspondante du Globe and Mail en Chine, Jan Wong, écrit en 1999. Je lirai ensuite "Un Jésuite à Pékin", les mémoires de Louis Leconte, envoyé en Chine par Louis XIV, qui y est resté de 1687 à 1692.

Si certains s'inquiètent pour mon budget (surtout en ma qualité de chômeur!...), la plupart de ces livres sont empruntés à la Bibliothèque Nationale du Québec. Kanzi est plein de ressources!

La nature sociale de la connaissance

Voici une citation tirée d'un intéressant article de Louise Barrett de l'Université de Liverpool (du même groupe que Robin Dunbar, "Evolutionary psychology and beharioural ecology"):

"Perhaps our greatest opportunistic and prosocial innovation as group-living animals has been to distribute our cognition to an unprecedented level by storing essential information in other minds, instead merely of our own. Wegner et al. (1991), for example, have shown how couples in long-term relationships tend to take responsibility for particular kinds of knowledge (he programmes the video; she deals with the mortgage) in a manner that increases their efficiency as a unit. Wegner (1986) argues persuasively for the ubiquity of this kind of ‘transactive memory’ in all walks of human life, from intimate relations to large organizations (see also Surowiecki 2004). Wilson et al. (2004), takinan explicit evolutionary perspective, have similarly shown the value of ‘thinking as a group’. Distributing our cognition into other minds and calling on this knowledge as part of highly cooperative endeavours seems to be the key to human culture (Richerson & Boyd 2005). Looking for its roots in the cooperative behaviour and distributed and embodied cognition of our primate cousins would now be a natural direction for the social intelligence hypothesis to take."

Je reviens à mon dialogue: est-ce qu'on n'y voit pas comment il sert justement à "distribuer" la connaissance, plutôt qu'à simplement la "transmettre" (je sais, la différence est plutôt subtile...) ? En particulier, le "savoir" technologique prend toute sa force quand il est distribué. Question: est-ce que le langage, qui aurait pu évoluer d'abord pour faciliter les interactions sociales, aurait ensuite pu trouver une application nouvelle dans le partage de connaissances techniques?

10 décembre, 2005


Kanzi Posted by Picasa

09 décembre, 2005

Les théories gestuelles du langage

J'ai terminé cette entrée ce matin, mais comme je l'avais commencée il y a quelques jours, elle apparaît à la date où j'ai fait le premier brouillon.

08 décembre, 2005

Out of Africa : du nouveau

De nouveaux résultats sur l'analyse génétique des mouvements de population chez les humains, faite par Alan Templeton de Washington University, et rapportés par Carl Zimmer sur "The Loom".

Tu tires ou tu pointes?

Je lisais un article de Michael Tomasello et Klaus Zuberbühler intitulé "Primate Vocal and Gestural Communication" (quelque chose déniché sur Internet mais je ne pourrais pas dire où!), et j'ai été surpris de l'affirmation suivante:

"Virtually no ape gestures are referential in the sense that they indicate an external entity (e.g., there is no pointing in the human fashion); they mostly concern the dyadic interactions among group mates."

Tomasello est tout de même un expert dans le domaine, mais il me semblait quand même avoir lu ailleurs que des gestes de pointage, ou à tout le moins l'équivalent, avaient été observés chez les primates. Le pointage, en ce qu'il signifie une interaction qu'on dirait "triadique" plutôt que "diadique", fait qu'un individu informe un second individu de la présence d'un troisième objet ou individu. Il implique la présence d'une "théorie de l'esprit", puisqu'on doit comprendre que l'autre individu ne possède pas l'information qu'on veut lui transmettre, mais qu'il la possédera une fois qu'on lui aura communiquée.

J'ai donc fait un petit Google, et j'ai trouvé rapidement un très bon article de Frans de Waal qui cite plusieurs observations de pointage (ou d'équivalent gestuel, car comme il dit tous les animaux n'ont pas de bras ou de doigts, par exemple les dauphins...). De Waal en profite pour lancer des pointes:

"...defenders of human uniqueness have surrounded pointing with heavy theoretical artillery, designed to keep other creatures at bay"

et:

"...caretakers (at the zoo) generally have a higher opinion of apes' mental abilities than most of the philosophers and psychologists who have written on the subject -- few of whom have ever studied apes themselves"

Dans un autre article de Jacques Vauclair, un autre spécialiste, j'ai trouvé ceci à propos de la nature "déclarative" du langage chez l'humain:

"Declaratives ...can be words or gestures, and they function not primarily to obtain a result in the physical world, but to direct another individual's attention (its mental state) to an object or event, as an end in itself. Thus, a human toddler might say "Plane!" apparently to mean "It's a plane!" or "Look, a plane," and so on. In such cases, the child communicates simply to share interest in something that he or she sees, that this object is a plane, and that the child has identified it and finally that he or she wants the partner to look at it.”

Je dois avouer que je suis médusé par l'affirmation que d'attirer l'attention est "une fin en soi", qui me semble très simpliste. Dans l'exemple donné, on peut se questionner sur pourquoi un enfant pointera vers un avion en particulier, et non pas vers n'importe quel autre objet qu'il voit à ce moment là. La vue de l'avion, il me semble, déclenche une émotion chez l'enfant, soit une excitation ou une curiosité. Car la présence de l'avion ne constitue pas en soi une information qui soit d'une quelconque utilité. Je me demande donc si le but de la communication n'est pas de partager une émotion plutôt qu'une information. Et je dis bien partager, et non pas communiquer. Si, comme je l'ai fait dans mon dialogue d'hier, on imagine la suite du dialogue, on peut imaginer le parent qui répond en s'exclamant: "Oui! Il est gros!", ce qui précise l'émotion, et communique que celle-ci est partagée. On est vraiment dans la "danse dynamique" de Barbara King! La signification du dialogue émerge dans l'interaction des deux participants plutôt que simplement dans le message qu'un participant veut envoyer à l'autre.

07 décembre, 2005

L'explication

Dialogue entre Gaston et Robert

Gaston : Aye!...J'ai mal aux pieds. Qu'est-ce qu'on fait ici!...

Robert : Assis-toi là, je vais t'expliquer. Bon, tu es bien assis? Écoute bien!

G: Ouais, ouais, j'écoute...

R: Bon, tu peux pas savoir ce que j'ai trouvé. Génial!...Tu sais, l'antilope qu'on a vue l'autre jour au point d'eau?

G: Ouais, dommage qu'on l'ait ratée, c'aurait été un bon morceau. Je suis trop pourri pour la chasse, j'arrive toujours au mauvais moment!

R: Justement! J'ai tout compris! C'était pas du tout un hasard si elle était là!

G: Hein?

R: Je veux dire, elle doit venir là, au point d'eau, à tous les matins !

G: Hein?

R: Ben oui! Et tu sais pourquoi? Elle vient boire, parce qu'elle a soif!

G: Hein? Ça a soif ces bêtes là?

R: Écoutes! Pourquoi on va au point d'eau, nous?

G: Pour boire, ç't'affaire!

R: C'est çà. Ben l'antilope elle fait la même chose!

G: Je comprends pas. Moi j'ai soif. Toi t'as soif. On est des humains! Mais ça c'est une bête!

R: Oui mais tu sais quoi? Elles ont soif aussi. Comme nous!

G: Explique moi ça!

R: Moi, j'en ai déduit que les bêtes et nous, on est finalement assez semblables.

G: Moi, je ne trouve pas qu'on se ressemble!

R: Au contraire, mon ami! D'abord, on a quatre pattes!

G: Ho là! Moi j'ai deux pattes et deux bras.

R (se met à quatre pattes): Bêta! Regarde, si je me mets comme ça, c'est déjà plus ressemblant, non?

G: Tu as un point. Mais le nez, les oreilles ?

R: Un peu différents, mais elle a quand même un nez, deux oreilles, une bouche. On est juste un peu différents, d'après moi. Alors, si on est si semblable, elle doit avoir soif, comme nous! D'où le coup de génie: elle doit venir au point d'eau à chaque jour pour boire!

G: Ouais, peut-être que t'as raison. C'est vrai qu'on se ressemble jusqu'à un certain point.

R: En plein ça. Et sais-tu quoi? Si on vient ici tôt le matin sans le dire à personne, qu'on se cache dans les herbes, et qu'on attend, on n'aura qu'à la cueillir comme on cueille une fraise!

G: Pas bête ça! C'est pour ça que tu m'as amené ici ce matin? Pourquoi c'est toujours toi qui a ces idées là!

R: Parce que je suis le plus INTELLIGENT! Maintenant, tais-toi et guettes!

(Vous ne comprenez pas? Il va falloir que je vous EXPLIQUE! )

Gaston : Aye!...J'ai mal aux pieds. Qu'est-ce qu'on fait ici!... (vocalise un sentiment)

Robert : Assis-toi là, je vais t'expliquer. Bon, tu es bien assis? Écoute bien! (donne un ordre, initie le processus d'explication)

G: Ouais, ouais, j'écoute... (se soumet, indique qu'il est à l'écoute)

R: Bon, tu peux pas savoir ce que j'ai trouvé. Génial!...Tu sais, l'antilope qu'on a vue l'autre jour au point d'eau? (exprime son excitation, partage une information)

G: Ouais, dommage qu'on l'ait ratée, c'aurait été un bon morceau. Je suis trop pourri pour la chasse, j'arrive toujours au mauvais moment! (exprime ses sentiments)

R: Justement! J'ai tout compris! C'était pas du tout un hasard si elle était là! (Communique une conclusion raisonnée)

G: Hein? (exrpime son incompréhension)

R: Je veux dire, elle doit venir là, au point d'eau, à tous les matins ! (réexprime sa conclusion raisonnée)

G: Hein? (réexprime son incompréhension)

R: Ben oui! Et tu sais pourquoi? Elle vient boire, parce qu'elle a soif! (re-re-exprime sa conclusion raisonnée)

G: Hein? Ça a soif ces bêtes là? (exprime comment la conclusion de Robert va à l'encontre de ses propres connaissances)

R: Écoutes! Pourquoi on va au point d'eau, nous? (entreprend une communication dynamique de son raisonnement)

G: Pour boire, ç't'affaire! (exprime sa connaissance en réponse à la question)

R: C'est çà. Ben l'antilope elle fait la même chose! (deuxième étape du raisonnement)

G: Je comprends pas. Moi j'ai soif. Toi t'as soif. On est des humains! Mais ça c'est une bête! (exprime encore comment la deuxième étape du raisonnement va à l'encontre de ses connaissances)

R: Oui mais tu sais quoi? Elles ont soif aussi. Comme nous! (re-exprime sa deuxième étape)

G: Explique moi ça! (embarque dans le processus dynamique d'explication)

R: Moi, j'en ai déduit que les bêtes et nous, on est finalement assez semblables. (troisième étape du raisonnement)

G: Moi, je ne trouve pas qu'on se ressemble! (exprime encore comment l'affirmation de Robert va à l'encontre de ses connaissances)

R: Au contraire, mon ami! D'abord, on a quatre pattes! (sous-raisonnement)

G: Ho là! Moi j'ai deux pattes et deux bras. (re-contradiction)

R (se met à quatre pattes): Bêta! Regarde, si je me mets comme ça, c'est déjà plus ressemblant, non? (démonstration gestuelle)

G: Tu as un point. Mais le nez, les oreilles ? (signale une acceptation, mais re-contredit)

R: Un peu différents, mais elle a quand même un nez, deux oreilles, une bouche. On est juste un peu différents, d'après moi. Alors, si on est si semblable, elle doit avoir soif, comme nous! D'où le coup de génie: elle doit venir au point d'eau à chaque jour pour boire! (exprime tout le reste du raisonnement)

G: Ouais, peut-être que t'as raison. C'est vrai qu'on se ressemble jusqu'à un certain point. (concède qu'il a compris et que le raisonnement est acceptable)

R: En plein ça. Et sais-tu quoi? Si on vient ici tôt le matin sans le dire à personne, qu'on se cache dans les herbes, et qu'on attend, on n'aura qu'à la cueillir comme on cueille une fraise! (conclusion pratique, complot pour améliorer leur condition)

G: Pas bête ça! C'est pour ça que tu m'as amené ici ce matin? Pourquoi c'est toujours toi qui a ces idées là! (accepte d'être parti du complot, et se soumet à Robert)

R: Parce que je suis le plus INTELLIGENT! Maintenant, tais-toi et guettes! (affirme sa position supérieure, met fin au dialogue)

La plus grande partie du dialogue est un échange dynamique de transmission de "solution d'un problème". Quelques phrases sont des expressions d'émotions. La fin du dialogue est une interaction sociale. Il me semble que la résolution de problème est une activité cognitive intrinsèquement solitaire, mais le langage permet de communiquer le résultat. Cette utilisation du langage est a-émotive. Mais pourquoi transmettre les connaissances? Si la connaissance nous donne un avantage, on ne la transmettra qu'à quelqu'un du groupe, ou encore mieux à un parent (enfant?). Les chimpanzés apprennent déjà à leurs petits comment ouvrir des noix avec une pierre et une enclume. De nos jours, la connaissance est également protégée et sa transmission hors du groupe est restreinte (on n'a qu'à penser qu'aux secrets de fabrication, aux brevets etc.).

Mon idée avec ce dialogue était d'illustrer comment un mode de dialogue peut avoir une fonction précise, et que la fonction définit la forme. J'ai choisi le mode "transmission de la solution à un problème" car il fait très peu appel à l'interaction socio-émotionnelle. C'est plutôt un jeu dynamique d'échange de connaissance utile à la survie. Ce type d'échange de connaissance est, selon moi, à la base de toute notre culture technique. J'aime l'idée d'analyser chaque répartie pour comprendre sa fonction. J'ai réalisé en l'écrivant qu'on ne peut avoir un dialogue "pur". D'autres modes de dialogue apparaissent, comme l'expression spontanée d'émotions, ou l'interaction sociale re-définissant la hiérarchie des intervenants.

06 décembre, 2005

Les théories gestuelles du langage

Je vais tenter aujourd'hui de résumer le chapître 5 de "The Dynamic Dance".

La prémisse de départ de Barbara King dans sa discussion de l'origine possiblement gestuelle du langage est celle-ci:

"If the social communication of modern day African great apes relies heavily on gesture, compared to vocalizations, the likelihood is increased that human language was gestural rather than vocal in its origins." (p.181)

Barbara King discute ensuite ce qu'elle considère comme les trois théories à ce sujet qui ont eu selon elle le plus d'influence ces trente dernières années: celles de Hewes, de Corballis, et d'Armstrong, Stokoe, et Wilcox.

Hewes, dans un article de 1973, proposait une approche "gradualiste" de l'évolution du langage, semblable à celle que je décrivais dans mon article de l'autre jour (bien que je n'aie pas lu cet article de Hewes), impliquant un proto-langage, d'origine gestuelle plutôt que vocale. Il considérait en effet que les vocalisations chez les grands singes sont plutôt de type "émotionnel" que "référentiel" ou encore "propositionnel", et ne constituent pas un chemin vraisemblable pour l'évolution du langage humain. King approuve cette thèse, mais la critique néanmoins car elle sous-estime selon elle l'importance de la communication vocale chez les primates non-humains. Il faut dire que les connaissances à ce sujet ont beaucoup augmenté depuis 1973. On a depuis découvert que les vocalisations chez certains singes sont de fait "propositionnelles". D'autres observations chez les grands singes démontrent que les vocalisations ne sont pas des expresssions émotives involontaires (pour de nouvelles données là-dessus, voir le récent article sur le blogue de Carl Zimmer, "The Loom").

La deuxième thèse considérée par Barbara King est celle de Corballis, parue en 2002 ("From Hand to Mouth: The Origins of Language"). Corballis, comme Hewes, considère que les vocalisations chez les primates sont de piètres candidats comme précurseurs du langage. Le langage serait plutôt d'origine gestuelle, les mains étant libérées par l'adoption du bipédalisme. Une mutation aurait ensuite permis de "transférer" ce langage gestuel en un langage vocal. La critique de King concerne entre autres plusieurs erreurs factuelles dans l'ouvrage de Corballis, ainsi que sa sous-estimation de l'importance des vocalisations des primates, qui est moins excusable que chez Hewes vu que les données à ce sujet étaient disponibles en 2002 (et pas en 1973).

King rejette donc toute dichotomie entre le langage gestuel et vocal chez les primates. Ces deux aspects font selon elle partie intégrante de la communication chez ces animaux.

On en vient finalement à l'ouvrage de Armstrong, Stokoe et Wilcox "Gesture and the Nature of Language". Bien évidemment, je ne l'ai pas lu non plus!... J'ai trouvé par contre cet article de Wilcox écrit à l'occasion de la mort de William Stokoe en 2000, qui retrace la carrière de ce dernier. Stokoe a été un pionnier de l'étude du langage par signes, et avait proposé dans les années 60 que le langage par signe devait être considéré comme un langage au même titre que le langage parlé, une thèse controversée et révolutionnaire, qui a donné naissance au domaine de la linguistique du langage par signe. Dans "Gesture and the Nature of Language", avec ses co-auteurs, il propose, selon Wilcox :

"...the notion that the original germ of language was not a signed language or a spoken
language, but a multimodal-multisensory system in which the balance
shifted over evolutionary history from an early system in which the visible
gestural component played a significant role, to a system in which the
acoustic gestural component came to dominate
."

Il n'y a donc plus de dichotomie entre les vocalisations et le langage gestuel. Armstrong et al. proposent également que même la syntaxe est présente dans le langage gestuel, comme elle est présente dans le langage par signes.

Barbara King, finalement, propose qu'à partir de cette "plateforme", on continue à étudier l'évolution du langage en tenant compte du caractère dynamique et co-régulé des interactions.

Elle continue en examinant le rôle probable de l'interaction mère-enfant dans l'évolution du langage. En particulier, elle s'interroge sur le changement que le bipédalisme a apporté, en ce qu'il rend très difficile pour la mère de porter son bébé, contrairement aux autres primates qui le portent sur leur dos. La mère devant souvent laisser son bébé de côté lorsqu'elle se nourrit, cela aurait pu favoriser l'émergence d'une communication vocale plutôt que gestuelle, une thèse proposée par Borchert et Zihlman.

King continue en soulignant certains aspects de la communication entre les grands singes et les humains, en particulier comment elle est elle-même co-régulée, mais surtout comment un lien très profond peut facilement se lier entre un primate et un humain. Elle cite le cas du lien entre Kanzi (moi?, non! mon cousin!...) et Sue Savage-Rumbaugh, dont elle a été elle même témoin. En ceci, elle commente:

"Given that co-regulation is dependent on close attention to subtleties and contingencies, and on mutual adjustment to another's actions, it is surely meaningful for evolutionary reconstructions that individual bonobos, chimpanzees, and gorillas so easily enter into emotional relationships with individual humans. (...) That African great apes can do this attests to their long evolutionary history of participating spontaneously in co-regulation and meaning-construction with diverse members of their own species. "

Une dernière section commente sur le langage gestuel chez les humains, où elle commente et critique l'assertion de Tomasello dont je parlais justement hier, à propos des interactions triadiques chez les enfants humains, opposée à celles strictement diadiques chez les chimpanzés. Comme je le disais hier, cette assertion est démentie par plusieurs observations sur le terrain.

Je n'ai pas encore pris le temps d'expliquer la principale thèse de Barbara King dans son livre, qui porte principalement sur la co-régulation des interactions sociales, ce qu'elle appelle justement la "danse dynamique". J'avais a prime abord de la difficulté à saisir l'importance et l'utilité du concept, et en quoi il diffère des précédents modèles de la communication. C'est vraiment en rédigeant mon "dialogue" que j'ai soudainement compris ce qu'elle voulait dire, car ce type d'interaction dynamique "co-régulée" est apparu spontanément dans le dialogue, et lui donne tout son sens. J'aimerais donc pouvoir en parler plus longuement, mais auparavant je me dois de relire certaines sections, et d'y réfléchir un peu. Patience! Ce blogue me prend un temps fou!

J'espère ensuite m'éloigner un peu de ce "thread" sur le langage et passer à d'autres sujets de réflexion. Un autre de mes dadas: rien de moins que l'interprétation de la mécanique quantique! Ne partez pas tout de suite (déjà que je parle à une salle vide!...). Contrairement à l'étude de l'origine du langage, ceci est un sujet presque tabou chez les physiciens, et on trouve très peu de littérature sérieuse sur le sujet, et beaucoup de merde métaphysique. En fait, c'est une question non résolue que tous les physiciens font semblant d'ignorer ("Shut up and calculate!" aurait dit Feynman, ou David Mermin, ce n'est pas clair).

À moins que je retourne sur Gödel. Le théorême de Gödel est une autre des percées fondamentales du XXe siècle, dont on n'entend jamais parler, et dont tous minimisent l'importance. Ou ne comprennent pas trop les implications. Comme dirait Haddock, c'est à la fois "très simple et très compliqué". Je crois personnellement que c'est relié au problème de la mesure quantique, mais je n'ai pas encore trouvé de façon de formuler ce lien clairement.

Ou sinon, je me pencherai sur l'origine de la morale! Je me suis tapé récemment "The science of good and evil" the Michael Shermer. J'en espérais beaucoup, et j'ai été plutôt déçu. Pinker parle aussi de la morale dans "The blank slate", et j'étais aussi en désaccord, ou plutôt il y avait une faille énorme dans son raisonnement. Pourquoi la morale? Parce que quand on cherche à déterminer en quoi les humains sont différents des animaux, le fait que nous possédions une conscience et des valeurs morales revient souvent comme un argument massue: c'est ce qui nous différencierait fondamentalement du règne animal. Si vous avez lu tout ce que j'ai écrit jusqu'à maintenant (pauvre vous!...), vous aurez deviné que je ne suis pas d'accord! Si vous commencez à me connaître, vous aurez aussi compris que j'ai mes propres idées là dessus!

05 décembre, 2005

Langage : syntaxique ou non?

Je termine bientôt "Dynamic Dance". Le dernier chapître est le plus intéressant d'après moi, car l'auteure (Barbara King) y fait une discussion critique des différents modèles d'origine du langage.

Je note qu'il semble y avoir chez les chercheurs (au moins) deux courants de pensée à ce sujet. Il y a à tout le moins une approche très "formaliste" du langage, dans le courant de Noam Chomski. On y insiste beaucoup sur le langage syntaxique comme étant une évolution majeure, une forme de mutation, qui fait que le langage humain se démarque complètement de ce qu'on trouve dans le reste du règne animal. Un autre courant privilégie une approche disons "socio-émotionnelle", où le langage est une évolution de la communication gestuelle qu'on trouve chez les grands singes, et qui sert essentiellement à la cohésion du groupe. Barbara King se situe nettement dans ce courant, et j'y mettrais Dunbar également. Pinker serait probablement dans le premier courant. Je simplifie énormément cependant.

Je reviens cependant à mon idée selon laquelle on a peut-être une idée trop monolithique du langage humain. En reconnaissant que le langage a différentes fonctions, mais également différentes formes, et que ces fonctions et ces formes ont peut-être connu des évolutions parallèles, on peut peut-être réconcilier les différents points de vue et en arriver à un modèle cohérent.

On ne peut pas, par exemple, nier l'importance de la gestuelle dans le langage. Ramener le langage à son seul aspect "parlé" est trop réducteur. Nous utilisons beaucoup de gestes, ainsi que beaucoup d'expressions faciales, qui sont le plus souvent essentielles pour que l'interlocuteur saisisse le sens de ce qui est dit. Or la communication gestuelle et les expressions faciales sont déjà le mode de communication principal chez les grands singes. Bien qu'il puisse être dit que chez les humains, la communication non-verbale vient compléter le langage parlé, on pourrait renverser la proposition et dire que le langage parlé n'est qu'un complément de la communication non-verbale. Ainsi, d'un point de vue phylogénique, le langage est peut-être apparu pour compléter, et peut-être préciser les modes de communication non-verbaux existants. Les grands singes vocalisent d'ailleurs beaucoup, mais on sait que leur anatomie ne leur permet pas d'émettre des sons articulés très complexes. À partir du moment où notre anatomie a facilité des vocalisations plus complexes, il n'est peut-être pas étonnant qu'elles aient pris plus d'importance dans la communication.

D'autre part, en mettant tellement d'importance sur l'aspect syntaxique de notre langage, on néglige le fait qu'une bonne partie de ce que l'on dit n'utilise pas de syntaxe. En fait, nous utilisons encore beaucoup de "vocalisations", dans toutes sortes de situations du quotidien, des "ouh", des "ah", des "ouch", des "iiihhh", des "Hey" de salutation. Un mot comme "non!" est utilisé seul dans toutes sortes de situations (particulièrement quand on a de jeunes enfants!..) et est d'ailleurs toujours complété par un geste ou une expression faciale. Les qualificatifs que nous utilisons pour exprimer nos sensations ou nos états d'âme peuvent être utilisés sans syntaxe aucune: on peut dire "j'ai froid", mais aussi bien seulement "froid!", en tremblottant et en se pelotonnant, et le message passe tout autant. Les qualificatifs sont d'ailleurs la plupart du temps liés à des émotions, et sont le plus souvent dits en ajoutant une emphase gestuelle et faciale: on dit "c'est beau" en allongeant le mot, et en prenant une expression disons "ravie", on dit "c'est grand" en prenant une expression admirative, "c'est petit" en indiquant avec la main qui resserre l'espace entre le pouce et l'index. J'imagine qu'on pourrait documenter des milliers d'exemples. Il s'agit là d'un langage sans syntaxe, qu'on pourrait dire "émotionnel", qui sert à exprimer d'une façon très simple ce que l'on ressent ou ce que l'on voit. Un tel langage peut être apparu comme une continuité d'un langage gestuel et facial déjà existant. La communication entre une mère et son bébé est peut-être d'ailleurs un facteur déterminant pour l'apparition et le développement d'un tel "proto-langage".

Les disciples de Chomski ont justement tendance à nier la possibilité d'un tel proto-langage. Le langage serait syntaxique ou ne serait pas. Mais plus on étudie la communication chez les espèces animales, moins on peut souscrire à ce point de vue. Par contre, on peut concevoir que l'apparition du langage syntaxique a effectivement été un développement majeur, une innovation. Mais cette innovation, d'après moi, n'a pu apparaître que parce qu'il y avait déjà les principaux éléments en place.

Un autre élément, dont j'ai déjà parlé, c'est le vocabulaire, ou si on veut le vocabulaire référentiel. "Nommer" les objets (ou les personnes...). Contrairement aux qualificatifs dont je parle plus haut, les noms ne charrient aucun contenu émotif en soi. Personnellement, j'ai tendance à voir le fait de "nommer" les objets comme une invention majeure de l'humanité (bien qu'elle ait peut-être eu lieu chez d'autres espèces). Je peux imaginer la "révélation" que ça a été chez les humains primitifs, comme par exemple l'écriture est une révélation quand des peuples qui ne la connaissent pas sont mis à son contact. Les humains primitifs ont peut-être considéré la vocalisation de "mots" référant à des objets (comme par exemple de la nourriture), comme un très bon "truc", quelque chose de très malin et de très utile à la fois. Peut-être est-ce apparu après que les vocalisations se soient déjà développées en tant que "mots" discrets pour l'expression d'émotions. Mais on sait aussi que chez les grands singes, le geste indiquant un objet, qui sert par exemple de requête, existe déjà. Le "mot" viendrait alors "compléter" le geste, et le préciser, pour enlever toute ambiguité. Évidemment, un "consensus" doit se construire sur la signification des mots. L'approche de Barbara King dans "The Dynamic Dance" est justement de montrer comment le sens se construit d'une façon dynamique dans la communication chez les grands singes, avec la participation active des deux ou plus intervenants. Le même mécanisme dynamique servirait à la création du sens des mots articulés.

Je considère donc qu'un proto-langage non-syntaxique est tout à fait possible comme un complément à des modes de communication essentiellement gestuels, et apporterait déjà un avantage écologique non négligeable. L'apparition du langage syntaxique n'est peut-être que la dernière étape d'un long processus. Un proto-langage pourrait être déjà présent chez Homo Erectus, sans avoir évolué d'une façon marquée durant toute la vie de cette espèce, tout comme les outils primitifs sont restés les mêmes pour un million d'années. Mais l'augmentation graduelle de la taille du cerveau pourrait indiquer une pression écologique favorisant ceux qui maîtriseraient le mieux cette habileté.

Bon, tout ça ne doit pas être pris trop au sérieux, je l'ai dit, je ne suis qu'un "amateur". Considérez tout ceci comme mes réflexions personnelles suite à mes lectures!

04 décembre, 2005

Détour en Irak

Hors sujet, mais pour ceux qui, comme moi, s'intéressent à la "situation" en Irak (situation étant un euphémisme pour désastre...), voici un lien à une entrevue de Peter Galbraith, sur le site reason.com, qui présente la vision la plus lucide de la situation politique actuelle, et de ce que les États-Unis pourraient faire pour s'en tirer avec un minimum de dégâts.

Bien sûr, si le sujet vous intéresse, les meilleurs blogues demeurent ceux de Juan Cole pour l'analyse politique, Today in Iraq pour l'actualité sur le conflit, et de Riverbend pour... tout le reste.

Bientôt, je mettrai tous ces liens dans la colonne de gauche, un peu de patience!...

03 décembre, 2005

Le catastrophisme

D'abord, mes excuses à propos de ma remarque sur les "prétendus penseurs qui se tapent dans le dos". C'était peut-être un peu dur, surtout que le groupe inclut également Richard Dawkins et Jared Diamond.

"The Selfish Gene" de Dawkins aussi bien que "Guns, Germs, and steel" de Jared Diamond sont à mon avis des ouvrages phares, avec une thèse originale exposée de façon rigoureuse, méticuleuse, et claire. "The Selfish Gene" a déjà influencé une bonne génération de chercheurs, j'imagine, et "Guns, Germs, and Steel" devrait en faire autant.

Ceci étant dit, on ne pourra peut-être pas en dire autant du dernier ouvrage de Jared Diamond, "Collapse". Non, je ne l'ai pas lu, car il m'a semblé à prime abord que Diamond tombait dans ce que j'appelle le "catastrophisme", cette tendance que nous avons, dans nos sociétés riches, à prédire constamment la fin du monde si nous ne faisons pas repentance de nos péchés de sur-consommation. À tout prendre, ce n'est pas différemment des prêcheurs et prophètes de malheur de toutes les époques.

"Collapse" a été sévèrement critiqué par Ronald Bailey sur reason.com. Benny Peiser critique aussi sa description et son interprétation de la destruction de la civilisation sur l'Île de Pâque (également dans un article de fond en pdf). Peiser est un adversaire acharné du catastrophisme, et j'ai tendance à être d'accord avec lui (quoique je me méfie des extrémistes d'un côté comme de l'autre). Il a pourfendu, entre autres, le concept de "consensus scientifique" à propos du changement climatique, dont on nous rabat les oreilles constamment, entre autres dans une lettre à l'éditeur de Science dont la publication a été refusée, et dans un article paru dans le National Post. Je suis personnellement extrêmement méfiant de cette notion de consensus scientifique. Étant moi même scientifique de formation et de pratique, je sais d'expérience que le consensus ne fait pas la bonne science. Il y avait consensus sur le fait que le soleil tournait autour de la Terre, sur les lois de Newton, etc. Bien sûr, il y a aujourd'hui consensus sur la relativité générale et la mécanique quantique, mais ce consensus ne tiendra que jusqu'au moment où on trouvera une meilleure théorie (relire Thomas Kuhn, s'il le faut).

Pour tout ce qui concerne le catastrophisme environnemental, je demeure sceptique, suivant en cela Bjorn Lomborg.

Je ne suis pas un climatologiste. Par contre ce que je sais, c'est que le climat est un système physique d'une extrême complexité, comportant de nombreuses variables interagissant de façon très nonlinéaires, ce qui rend son évolution sujette à un comportement chaotique, donc intrinsèquement imprévisible. Bien qu'on ait pu identifier des patrons de changements de climat (la séquence d'époques glaciaires par exemple), on sait également que ces patrons sont apparus soudainement, et sont sujets à disparaître ou se transformer également de façon très soudaine. De plus, nous ne mesurons de façon précise le climat terrestre que depuis quelques dizaines d'années, et nos données sur les changements passés ne sont que des inférences basées sur des mesures indirectes. Tout ça pour dire que le modèle qu'on prétend universellement accepté disant que les humains influencent le climat d'une façon importante et même catastrophique via l'émission d'un surplus de gaz à effet de serre, pourrait être contredit n'importe quand, ou pourrait être basé sur un modèle extrêmement fragile. Je dis bien "pourrait".

Le plus dangereux, selon moi, c'est lorsqu'on parle constamment de science et de consensus scientifique, mais que ceux qui en parlent dans les medias sont soit des politiciens ou des représentants de Green Peace. Toute cette semaine à Montréal, où c'était vraiment l'hystérie médiatique, je n'ai pas entendu un seul climatologiste digne de ce nom venir expliquer clairement l'état de la science, encore moins mettre les bémols appropriés.

Pour ceux que ça intéresse, je suis très préoccupé par l'environnement. J'ai brièvement milité dans "Les amis de la Terre" il y a quelques siècles, quand Michel Jurdant en était encore le leader au Québec. J'ai arrêté quand je me suis rendu compte que je disais des choses qui n'étaient scientifiquement pas vraies. Ça ne m'a pas empêché d'utiliser mon vélo pour me rendre à mon travail pendant une bonne partie de mon existence, contribuant en cela à réduire mes émissions de CO2 plusieurs tonnes!

Mais on a raison, comme Bjorn Lumborg et d'autres du "consensus de Copenhague" de souligner que la pauvreté est le plus grand danger pour l'environnement, et que diriger les ressources vers la réduction de la pauvreté est probablement un meilleur choix. On pourrait aussi, tant qu'à y être, rediriger tout l'argent servant aux dépenses militaires, et résoudre tous nos problèmes en moins de cinq ans...

02 décembre, 2005

Le vrai Kanzi


Le VRAI Kanzi Posted by Picasa

Choses et autres

Merci à Duane de Abnormal Interests pour ses bons mots.

La citation du jour est de Einstein:

"(I had) a deep religiosity, which, however, found an abrupt ending at the age of 12. Through the reading of popular scientific books I soon reached the conviction that much in the stories of the Bible could not be true. The consequence was a positively fanatic orgy of freethinking coupled with the impression that youth is intentionally being deceived by the state through lies. It was a crushing impression. Suspicion against every kind of authority grew out of this experience, a skeptical attitude towards the convictions which were alive in any specific social environment — an attitude which has never again left me." (Autobiographical Notes, 1949)

Elle est tirée d'un excellent texte de Daniel Gilbert sur le site edge.org, portant sur ce qui pousse les humains à avoir des croyances religieuses. Ceci pour accompagner mon commentaire sur le site de Duane à propos de la religion. Je viens de trouver edge.org. Il regroupe autour de l'idée de la troisième culture des gens dont j'ai lu les livres (Steven Pinker, Paul Davies, Roger Penrose, Stephen Jay Gould, entre autres). La troisième culture, je veux bien, mais un regroupement de prétendus penseurs qui se tapent dans le dos, j'ai des réserves. Davies et Penrose n'ont rien de bien révolutionnaire à dire, ils ne font que repackager de la science bien banale. Jay Gould est détestable. Pinker, j'ai bien aimé "The Blank Slate", mais il n'arrive pas à mener son argument jusqu'au bout, et se contredit lui-même constamment. J'y reviendrai.

Pour en revenir à la citation d'Einstein, je l'aime bien car elle ressemble à ma propre expérience. J'ai eu aussi une tentation d'être profondément croyant vers cet âge. Je voulais en fait rationaliser la croyance en Dieu. Pour me rendre compte assez vite que c'est une tâche impossible. Puis, à 14 ou 15 ans, je suis tombé sur Krishnamurti, et sa pensée est ce qui m'a guidé depuis.

Einstein, c'est un de mes deux "héros" scientifiques, l'autre étant Galilée. Einstein est l'exemple parfait du penseur "hors de la boîte" (outside the box). Il est la preuve que l'important, pour obtenir la bonne réponse, est de poser la bonne question. Galilée, eh bien parce que c'est Galilée. Il y a eu bien des biographies sur lui, des bonnes et des mauvaises, mais celle qui décrit le mieux l'homme est celle de Dava Sobel : "Galileo's Daughter".

J'ai fait un peu de recherche ce matin sur le langage chez les chiens ou les loups. J'ai retrouvé l'article qui parle du scientifique allemand qui a appris 200 mots à un chien. Je trouve étonnant qu'après cela, on ne porte pas plus attention aux vocalisations chez les loups ou chez les chiens. Reconnaître un mot veut dire que le cerveau fait une connexion entre un son articulé, et une image interne d'un objet (ou d'une personne). Plus étonnant encore, un chien peut comprendre une instruction simple comme: met la balle dans le panier, ce qui possède déjà une forme syntaxique primaire. Comme on sait que le chien ou son ancêtre le loup sont des prédateurs vivant en groupe, qui chassent de façon coordonnée, et qui possède une structure sociale hiérarchique pas trop loin de celle des chimpanzés ou des humains, et comme on soupçonne d'autre part que le langage est apparu justement parce qu'il favorise à la fois la cohésion du groupe et la "chasse" coordonnée, on n'a qu'à faire 2+2=4 pour conclure qu'il ne serait pas surprenant de trouver une forme de langage chez les chiens et/ou les loups. J'ai trouvé plein de sites qui parlent de la communication non-verbale chez ces animaux. Bien sûr, et elle existe chez les humains aussi, et chez les primates. Pour le verbal, peut-être qu'il suffirait de bien écouter...

Au cours de cette recherche, je suis aussi tombé sur le professeur Con Slobodchikoff, de l'Université de North Arizona, qui prétend que les chiens de prairie ont bel et bien un langage. Malheureusement, à part des articles de journaux (qui souvent distortionnent les faits, n'est-ce pas?), je n'ai pas trouvé de publication scientifique plus sérieuse sur ses travaux. Il y a une bibliographie sur son site, mais rien d'accessible en ligne.

01 décembre, 2005

De l'avantage écologique du langage

Un autre article intéressant du colloque "Co-évolution du langage et théorie de l'esprit" est celui de Gloria Origgi et Dan Sperber : "Qu'est-ce que la pragmatique peut apporter à l'étude de l'évolution du langage", qui discute de deux modèles de la communication linguistique, et tente de mettre en valeur l'importance du contexte dans la communication.

Le format de ce colloque "en ligne" est particulièrement intéressant en ce qu'il permet à d'autres intervenants d'ajouter leurs propres commentaires, et de lancer des débats intéressants. On va donc plus loin que la simple publication d'un article. Dans le cas de l'article en question, le débat est particulièrement productif, car il permet non seulement la critique, mais aussi la réponse des auteurs, qui peuvent préciser leur pensée.

Mais ce que je retiens encore une fois, c'est l'emphase mise sur la communication comme moyen de transmettre soit un état d'âme, une intention ou un désir. On revient à l'utilisation du langage comme outil de communication sociale aidant, par exemple, à la cohésion du groupe.

Comme je l'ai dit, bien que cette approche soit fructueuse, elle a tendance à occulter les utilisations que j'appellerais "non-émotionnelles" du langage, par exemple le simple échange d'informations, mais d'échange d'informations utiles à la survie ou même à la prospérité du groupe. L'autre aspect important est celui de la planification d'actions de groupe, le "conciliabule" dont j'ai déjà parlé. La raison pour laquelle on devrait faire attention de ne pas sous-estimer l'importance de ces modes de communication est qu'au bout du compte, ce sont probablement eux qui nous donnent, en tant qu'espèce, un avantage écologique important, et contribuent à notre succès.

En effet, la possession du langage pour le simple but d'améliorer la communication sociale ne permet pas en soi au groupe ou aux individus d'augmenter leurs chances de survie. Qu'est-ce qui aurait fait de Homo Sapiens (ou Homo Erectus, à tout prendre) une espèce aussi répandue? On pense évidemment à l'évolution technologique: l'usage d'outils. Mais l'usage d'outils chez les humains primitifs était... primitif. C'est Tattersall qui disait dans "Becoming Humans" qu'Homo Sapiens est unique car aucune autre espèce ne construit de gratte-ciels ou ne va sur la lune! Mais on n'a qu'à se reporter 10,000 ans en arrière et nous n'étions encore que des bandes de chasseurs cueilleurs, et il y a 50,000 ans, avant le "grand bond en avant", notre technologie n'était qu'une coche au-dessus du chimpanzé, et nous sommes les mêmes créatures, génétiquement, aujourd'hui.

Ce que l'on sait, par contre, c'est que les humains, malgré une technologie toute primitive, étaient devenus des prédateurs très efficaces. Lorsqu'ils envahissaient un nouveau territoire, ils avaient tôt fait d'exterminer les espèces les plus vulnérables, comme en Amérique ou en Australie. Notre faculté d'adaptation à des environnements très divers est aussi notre force. La plupart des espèces animales se confinent à une niche environnementale très précise, et sont vulnérables si ces niches disparaissent. Les humains se sont répandus sur une grande partie de la Terre, et ont survécu à de multiples périodes glaciaires.

Or, qu'est-ce qui peut faire de nous des prédateurs efficaces, sinon une action concertée. Nous ne sommes pas les seuls: les loups chassent aussi d'une façon très organisée, et ce n'est pas surprenant que le chien soit un animal qui se soit associé à nous aussi facilement: nous "pensons" de la même façon! Les loups et les chiens n'ont apparemment pas de langage, mais on sait qu'ils peuvent comprendre un vocabulaire assez étendu, verbal tout autant que non verbal. Mais nous possédons aussi une technologie supérieure. Cette combinaison de technologie, et de langage comme outil de concertation est ce qui fait de nous une espèce aussi prospère.

On pourra revenir sur la technologie, mais je dirai qu'elle dépend en partie de notre grande "dextérité". Après tous les ouvrages que j'ai lus sur "la nature humaine" (ex. Human Natures de Paul Ehrlich), je suis surpris qu'on n'insiste pas sur cet aspect. Homo Sapiens, ayant libéré ses mains en adoptant la bipédie, en a développé une habileté sans pareil pour la manipulation et la transformation des objets. Cette habileté résulte d'un contrôle très fin du mouvement des mains et des doigts. Il reste à voir à quel point cette habileté est liée au contrôle musculaire fin requis pour le langage articulé, mais il est clair qu'il y a un lien entre le cerveau plus développé et le contrôle musculaire fin.

Pour conclure mon argument, je poserais la question suivante: est-ce que le langage articulé syntaxique, avec sa faculté de transmettre des informations précises et objectives, ne possède pas de valeur adaptative supérieure au langage utilisé comme outil de cohésion sociale? Et si oui, comment cela doit-il être pris en considération dans un modèle d'apparition et d'évolution du langage?